Sélection du 26 août 1998Page 86 [Suivante] [Retour page 1] [Retour vers "Les Chants de Maldoror"] Sélection du 26 août 1998 Paul Guth écrit dans "Une enfance pour la vie" : "Dès que je voyais des chiffres, ma vue se troublait, mes yeux s'emplissaient de poussière, un vertige m'emportait. Si on avait insisté, j'aurais été foudroyé par un infarctus. En promenade à bicyclette avec Papa, dans la campagne de Villeneuve : "Imagine un cycliste, disait-il, qui part de Villeneuve à 15 h 59. Il fait du vingt à l'heure. Un autre part de Penne à la même heure, en faisant du quinze. Etant donné qu'il y a dix kilomètres entre Penne et Villeneuve, à quel endroit du parcours se croiseront-ils ?" Dès les premiers mots : "Imagine un cycliste..." la tête se mettait à me tourner. Un soleil noir s'éteignait dans le ciel. Mon coeur battait à m'étouffer. Mes jambes perdaient les pédales. Je m'écroulais avec mon vélo dans un fracas de ferraille." MATHEMATIQUES Quarante enfants dans une salle, Un tableau noir et son triangle, Un grand cercle hésitant et sourd Son centre bat comme un tambour. Des lettres sans mots ni patrie Dans une attente endolorie. Le parapet dur d'un trapèze, Une voix s'élève et s'apaise, Et le problème furieux Se tortille et se mord la queue. La mâchoire d'un angle s'ouvre. Est-ce une chienne ? Est-ce une louve ? Et tous les chiffres de la terre, Tous ces insectes qui défont Et qui refont leur fourmilière Sous les yeux fixes des garçons. Gravitations, 1925 Jules SUPERVIELLE (1884-1966) [Du même auteur] [Retour au poème de la semaine] - [Pourquoi ce site ?] - [Les archives] [Classement alphabétique des poètes]