Sélection du 31 janvier 1999Page 109 [Suivante] [Retour page 1] Sélection du 31 janvier 1999 Le plus célèbre pantoum de la littérature française me permet, après un fabuleux détour, un retour aux "valeurs françaises" ! Le pantoum est composé de quatrains constuits de telle sorte que le 2e et 4e vers de chaque strophe forment le 1er et le 3e vers de la strophe suivante. Il développe dans chaque strophe, tout au long du poème, deux idées différentes, l'une contenue dans les deux premiers vers de chaque strophe et l'autre dans les deux derniers. Généralement, la première idée est plutôt extérieure et pittoresque, l'autre intime et morale ; Baudelaire dans "Harmonie du Soir", n'a gardé que les reprises de vers pour leur effet d'incantation religieuse. (D'après "L'oeuvre de Baudelaire" Hachette) Cette incantation, les objets du culte (encensoir, reposoir, ostensoir)* et la formule biblique du premier vers : Voici venir les temps... liés au souvenir de Madame Sabatier, attestent et de l'incommensurable importance de l' inspiratrice pour un poète "aspirant à un idéal opposé aux désillusions du réel" et du caractère mystique de la relation. Bien avant que l'on s'apprête à parfumer les aéroports, les supermarchés et les cabines téléphoniques, Baudelaire avait compris non seulement le pouvoir évocateur très fort des odeurs, mais leur correspondance avec les couleurs et les sons : "Les parfums, les couleurs et les sons se répondent" pressentant "le monde comme complexe et indivisible totalité". *encensoir : cassolette suspendue à des chaînettes dans laquelle on brûle l'encens reposoir : autel dressé sur le passage d'une procession ostensoir : pièce d'orfèvrerie (généralement circulaire et ornée de rayons comme un "soleil") destinée à contenir l'hostie HARMONIE DU SOIR Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige, Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir Du passé lumineux recueille tout vestige ! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige... Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ! Spleen et Idéal, XLVII Les Fleurs du Mal Charles Baudelaire (1821-1867) [Du même auteur] [Retour au poème de la semaine] - [Pourquoi ce site ?] - [Les archives] [Classement alphabétique des poètes]